Nous arrivons en Auvergne, ma femme Pauline qui va courir la 15k, ma fille et moi avec quelques jours d’avance sur nos amis. Franck inscrit sur la 46k, Elise sur la 15k et leurs filles ainsi qu’Aymeric qui fera la 15k également, Noémie qui fera la garde des enfants (un marathon en somme) et leurs fils.
La région est très belle et presque aussi pluvieuse que le cotentin. Entre les gouttes nous en profitons pour monter au Puy de Dôme, découverte agréable malgré la gastro qui me tient depuis 2 jours. Surement la peur…
Avec l’arrivée des copains on enchaine les randos en nature et les balades dans Clermont-Ferrand. Avec Aymeric, à J-2, on sort faire un petit déblocage tranquille histoire de se rassurer. Franck, lui n’en a pas besoin. Son état de forme est optimum ou bien il veut garder tout le fuel nécessaire pour le jour J…
A J-1 nous partons entre slip récupérer les dossards à 18H45 pour une fermeture des guichets à 19h mais avec Franck tout est just-in-time. Nous découvrons le petit village de Volvic plein de charme et le site de la VVX, au milieu des pins, en pleine nature, avec à l’abord l’ancienne usine du Goulet qui servait à l’entreprise Volvic et qui, aujourd’hui, fait office de grand hall de gare avec les stands partenaires dont celui de Dawa Sherpa en personne, l’accueil et le retrait des dossards. Une organisation aux petits oignons.
Je précise à mes deux compères que ce Monsieur Dawa est le premier vainqueur de l’UTMB en 2003. La réaction d’Aymeric m’a un peu soufflé : « c’est quoi l’UTMB ? »
Une fois le précieux sésame en main, nous profitons du site pour se désaltérer efficacement et nous poussons par la ligne de départ pour la photo typique. On y croise un type avec les souliers gras, avachi sur un transat une grande bière à la main. Il porte une casquette verte (pas la même que ceux que nous venons de récupérer dans notre petit paquetage goodies) et enchaine quelques interviews par téléphone. Il vient de gagner la XGTV 1h plus tôt (224k et 9000D+). Encore un Parisien qui prend tout l’espace…
On continue le tour des peoples par un discours dédié aux bénévoles (oui nous sommes vraiment en décalé des autres coureurs) avec François D’Haene et Camille Bruyat (je n’ai pas voulu préciser leurs palmarès aux copains…).
Retour maison, un repas riche en glucides (riz pour moi comme depuis 5 jours) et on va préparer le sac pour le lendemain. L’excitation monte et on part se coucher.
La nuit fut courte, le sommeil a été dure a trouver et j’ai les yeux grands ouverts depuis 4H30. Je vais chauffer une assiette de riz et je mange un porridge de chia. Rien de compliqué à digérer. Franck est debout depuis 5h également. Il a l’air autant excité que moi et a dormit au moins aussi peu. Notre agitation réveille Aymeric et Noémie ainsi que le petit dernier (la vie en communauté). Heureusement que c’est un départ à 8H.
6H45 On enfile la tenue réglementaire et on ajoute une petite veste car « ça pique à matin » comme on dit dans le cotentin puis on monte en voiture. En route, petite pause pipi.
Arrivé sur site, on trouve une jolie place de parking à 1 ou 2 km, parfait ça nous fera l’échauffement. Une bonne marche rapide en côte plus tard et nous allons faire la queue pour laisser nos sacs de consignes dans lesquels on peut enfin poser la veste. Les corps se sont réchauffés pendant la marche.
Dernier pipi avant de se diriger vers la ligne de départ où 750 coureurs sont dans l’attente. Un petit pitch par le directeur de course et un couple monte sur scène. Il a fait sa demande en mariage l’an dernier sur la ligne d’arrivée de la VVX, ils courent à nouveau la 46k ensemble ce jour et ils se marieront demain à Volvic.
De belles histoires peuvent naitre au sein du peloton.
La musique de la VVX retentit, nous sommes à une minute du départ et Franck enfile enfin ces chaussettes. Il fera ces lacets à 10s du coup de fusil. Pas stressé l’Auvergnat.
Top départ et lâchez les chevaux… Enfin ceux devant parce que nous nous sommes coincés sur l’arrière du groupe et la marche sera de rigueur pendant les 500 premiers mètres. Le sentier est large et permet de doubler mais nous savons que les 18 premiers kilomètres sont une succession de montées plus ou moins raides.

Je fais le Yoyo sur les 4 premiers kilomètres pour rester avec Franck puis sur ces conseilles je décide de partir pour faire ma course. J’avais prévu de rester avec lui jusqu’au premier ravito (10k) mais l’envie est plus forte et les montées raides sont ce que je préfère. Je remonte beaucoup de gens (avec et sans bâtons) sur ces portions en marche dynamique avec les mains sur les cuisses. Je me dis qu’il va falloir investir dans des bâtons si je reviens dans la région.
A l’approche du kilomètre 6 j’entends un râle aigue qui se faite plus en plus fort. Une première cheville dans la première descente. Aie, la malheureuse, le chemin s’arrête la pour elle.
Moi et ma superstition on ramasse un petit bout de bois qui me suivra sur les 40k restants (il est d’ailleurs revenu jusque Tréauville pour être vraiment sûr de rien se casser).
On continue les montées raides et à chaque point de vue j’en prend plein la tête. Cette région est vraiment belle (mais faut pas trop le dire à Franck, il est un peu chauvin).
Tout le début de course se fait dans la forêt et sous-bois, c’est magnifique.
Kilomètre 10 – premier ravito. On entre dans une carrière de pouzzolane. Bien rouge, on se croirai au Rock n Trail c’est bluffant. D’ailleurs, je double 2 femmes qui discute au même instant d’une course en Normandie qui se fait dans une carrière et, comme je porte le maillot de l’édition 2023, je leur emboite la discussion. Une caennaise et une rouennaise venues se perdre au milieu des volcans tout comme moi.
Petit arrêt au stand, on recharge en boisson d’effort et en eau, on mange quelques bananes et on ne touche pas à la charcuterie et au fromage… Franck n’aura pas la même volonté que moi et je verrai par la suite que j’aurai peut-être tord de mettre de côté le salé.
C’est reparti, encore des belles ascensions à venir pour atteindre le point cuminant au 17ème kilomètre. j’y suis en de 2h20 et j’ai déjà 1100m de D+. A cette allure là je vais tenir mon objectif large… (optimiste… C’est bien…)
Début de la longue descente avec premièrement des sections bien raides. Casse de fibre à fond et surtout on reste concentré sur la souplesse des chevilles. Mon bout de bois en main, je ne risque rien.
Kilomètre 23 – deuxième ravito. Dans un joli sous-bois, je recharge en eau mais je n’ai quasiment rien bu en boisson d’effort donc je repars avec. Problème, aucune banane. Je prends 2 tucs mais sans grande envie et je ne touche toujours pas à la charcuterie.
Go, encore 10k avant le prochain ravito, un long faux plat descendant au milieu de la campagne auvergnate avec quelques bosses de temps à autre. Je pensais pouvoir accélérer sur cette portion mais la chaleur et l’incapacité à m’alimenter correctement additionner à des douleurs dans les ischios me font lever le pied.
J’ai surement beaucoup forcé dans les montées raides que j’aime tant et je n’arrive plus à manger de barre sucrée. Pas loin de renvoyer la barre chocolat noir cacahuète que j’aime habituellement.
Foutu saucisson que j’aurai dû attraper au 23 ème.
Je continue au petit trot et je marche de temps à autres quand les jambes sont trop dures. J’ai un petit coup de mou mental mais je discute avec des personnes qui sont dans le même état que moi. Je ne pensais pas avoir un coup de mou sur 50k alors que toutes les sorties longues de 4h et plus se passaient sans encombre.
Les montées me redonnent le sourire et je reprends même des gens dans ces portions. Je me fais déposer sur le plat par un type de la 112k qui a des cuisses dans lesquelles on mangerait à 6. Faut encore s’entrainer pour envisager cette distance.
Le moral revient à l’approche du troisième ravito.
Kilomètre 33 – Ravito 3. Je prends un peu plus de temps pour boire de la Salvetat, je mange des bananes et quelques tucs. Je m’étire un peu les ischios et hop un petit pipi (un peu foncé ce qui corrobore ma sous-hydratation entre le ravito 1 et 2).
Je me sens bien et je repars pour les 13 derniers kilomètres.
Cette partie est vraiment très belle et se fait sous une douce chaleur. Fini le long faux plat et il faut rattaquer dans les montées. Je reçois un petit coup de fil de ma fille qui me remotive. Elle a hâte de faire la ligne d’arrivée avec moi. Il me reste 1h40 pour être sous la barre des 6h mais je suis moins confiant qu’en haut du Puy de Louchadière (le point culminant) car il m’a fallu 1h20 pour faire 10k essentiellement en descente… (120m de D+ et 190m de D- sur cette portion).
Les paysages sont magnifiques et j’entre dans un joli single en balcon entre facemeunier et Crouzol (pour les connaisseurs) qui finira par descendre à environ 40k. Je fais cette portion dans les pas d’un mec avec qui je discute bien à un rythme soutenu. Au moment où il me dit de passer devant je me prend les pieds dans le tapis et fini étaler de tout mon long (pas bien long quand même). Les genoux ont tapé mais un terrain de rugby à cette période c’est aussi sec donc la chute je connais. Cependant il faut se relever et là, pas certains que les quadri ou les ischios ne viennent pas crier au loup et cramper.
Je suis debout, rien de casser pas de crampes. Mon bout de bois m’a encore sauvé.
J’attaque la montée du dernier rempart de la VVX (attention ça monte encor dans Volvic ensuite) et je me fais doubler par une certaine Camille Bruyat. Je lui souffle qu’il ne reste que 3000m et que François (D’Haene) l’attend avec une bière au bout (ils ont fait la 112k en duo pour info, lui le matin et elle ensuite).
Il reste juste la distance d’un fractionné mais les jambes sont dures. L’approche de la ligne d’arrivée me redonne du souffle et j’accélère dans Volvic, je reprends encore des gars que je reboost en leur disant que la barre des 6hs est atteignable.
Je remonte vers le site de la VVX.
J’arrive en haut, ma fille me rejoint et on court ensemble jusqu’au bout.
Elle a tout donné ! moi aussi…
Je coupe la montre. 5H55 et 55s. Marrant comme l’univers envoi des signes.
Le reste c’est profiter au milieu des pins avec les amis et la famille.
S’hydrater et recharger en glucides.
Mais aussi attendre la fin de la course de Franck qui nous aura fait vivre de belles émotions tant sa préparation aura été complexe. Sa course c’est à lui de la raconter.
A tous, je vous conseille cet événement qui mérite vraiment le voyage.